Au
parc
Les
araignées ont filé rose au jardin qui te ressemble. Dans la tasse à
café, deux hippocampes. Les langues de terre sauraient mieux dire le
nom tu de la mer et comme les vagues te déchirent. Ciel et chair.
Une lagune dans l’absence. De l’absence à pas comptés, elle
entre dans la mer, elle observe cette sphère sombre, sans la nommer.
Deux hippocampes. Tranquille comme un champ de gypse, elle délave la
mer, l’ensevelit : elle aurait aimé que l’océan lui prît la
main, une dernière virevolte avant l’oubli. Mais la mer se retire.
Elle n’aura pas épuisé les balbutiements de l’écume. Le sable
est sans issue et pourtant elle s’en va.
Une
fête a lieu sur la digue : un dragon noir a craché de l’or. Au
parc la sphère n’a jamais cessé de vibrer. Au parc, quelle
absence, quelle rose saurait définir les dents du fleuve, sa fin ?
Dans quel jardin planté de crimes enfouir celui de sa naissance ?
Chaque soleil lui coûte. Elle s’entoure de silence. Que reste-t-il
d’aurore dans le sourire du loup ? Le soleil, comme pris en faute,
érode la sphère sombre, la caresse, cartographie le moindre
tressaillement, la moindre respiration de ses mains tremblantes. Ce
n’est déjà plus qu’un songe creux. Mais comment rêver encore ?
Même les pierres ont cessé de pleurer. Au bas de la page, au creux
de la plage, l’horizon ne compte aucun oiseau ni aucune cage.
Quand
toute ligne sera effacée, quand le parfum même du lilas ne saura
plus l’émouvoir, quand la sombre sphère aura gagné, ses yeux
s’habitueront-ils au silence, sa peau à l’espoir ? Elle voudrait
rencontrer Déméter au temple d’Éleusis,
réapprendre et les travaux et les jours, son sourire comme dernier
rempart. Elle tremble son désir, le dispute à la terre. Elle rêve
d’un grand cerf. Ses doigts n’habitent plus les sombres forêts
sombres sphères de l’oubli. Au point du dernier pont solitude
liquide, une méduse dans un miroir. Des statues aux yeux bandés
trébuchent dans les bois du cerf. La pluie tremble un peu la forêt
d’araucarias. Une guerre se prépare et elle aggrave son poème.
Dans
un bois solitaire, une femme danse le visage strié de sueur comme si
elle rachetait la morsure de chaque pas. La sombre sphère la
rattrape. Depuis le Tage elle sait que chaque rue, fût-elle d’un
poète borgne ou d’une rose, s’embrase. Le grand incendie,
parfois, étoile brune sur fond noir, se souvient : quelques
battements de coeur contre l’écorce d’un cèdre, une théorie
d’oiseaux, un ruisseau viennent suspendre le rêve. Mais qui
reprisera l’accroc que laisse dans le sable le tombé des vagues ?
Faire
danser la sombre sphère, l'épuiser, l'emprisonner, partout la
lumière de l'automne colore ses pas. Plus rien ne lui coûte. Faire
l'inventaire de ces saisons : une fois encore, l'après-midi,
l'image, une fois achevée, lui restera cette virevolte, l'eau libre
du cimetière des plaisirs, la sphère sombre arrêtée, interdite,
au jardin botanique, sous un cèdre, un hibiscus, cathédrale de
chair, de sève, d'impossible tendresse. Déblacker
à l'extrême droite du parc le cuir luisant du Tiergarten. Un
quatuor de braises vibre encore à l'orée de toi. Tu ne sais rien de
la sueur des volcans. Tu n’as pas besoin de danser sur le feu pour
convoquer un monde. C’est dommage, se dit le cerf, c’est avec toi
que j’aimais encore le mieux dérouler l’image.
Jérémy
Victor Robert
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