giovedì 16 ottobre 2014

Jérémy Victor Robert

Au parc

Les araignées ont filé rose au jardin qui te ressemble. Dans la tasse à café, deux hippocampes. Les langues de terre sauraient mieux dire le nom tu de la mer et comme les vagues te déchirent. Ciel et chair. Une lagune dans l’absence. De l’absence à pas comptés, elle entre dans la mer, elle observe cette sphère sombre, sans la nommer. Deux hippocampes. Tranquille comme un champ de gypse, elle délave la mer, l’ensevelit : elle aurait aimé que l’océan lui prît la main, une dernière virevolte avant l’oubli. Mais la mer se retire. Elle n’aura pas épuisé les balbutiements de l’écume. Le sable est sans issue et pourtant elle s’en va.


Une fête a lieu sur la digue : un dragon noir a craché de l’or. Au parc la sphère n’a jamais cessé de vibrer. Au parc, quelle absence, quelle rose saurait définir les dents du fleuve, sa fin ? Dans quel jardin planté de crimes enfouir celui de sa naissance ? Chaque soleil lui coûte. Elle s’entoure de silence. Que reste-t-il d’aurore dans le sourire du loup ? Le soleil, comme pris en faute, érode la sphère sombre, la caresse, cartographie le moindre tressaillement, la moindre respiration de ses mains tremblantes. Ce n’est déjà plus qu’un songe creux. Mais comment rêver encore ? Même les pierres ont cessé de pleurer. Au bas de la page, au creux de la plage, l’horizon ne compte aucun oiseau ni aucune cage.


Quand toute ligne sera effacée, quand le parfum même du lilas ne saura plus l’émouvoir, quand la sombre sphère aura gagné, ses yeux s’habitueront-ils au silence, sa peau à l’espoir ? Elle voudrait rencontrer Déméter au temple d’Éleusis, réapprendre et les travaux et les jours, son sourire comme dernier rempart. Elle tremble son désir, le dispute à la terre. Elle rêve d’un grand cerf. Ses doigts n’habitent plus les sombres forêts sombres sphères de l’oubli. Au point du dernier pont solitude liquide, une méduse dans un miroir. Des statues aux yeux bandés trébuchent dans les bois du cerf. La pluie tremble un peu la forêt d’araucarias. Une guerre se prépare et elle aggrave son poème.
Dans un bois solitaire, une femme danse le visage strié de sueur comme si elle rachetait la morsure de chaque pas. La sombre sphère la rattrape. Depuis le Tage elle sait que chaque rue, fût-elle d’un poète borgne ou d’une rose, s’embrase. Le grand incendie, parfois, étoile brune sur fond noir, se souvient : quelques battements de coeur contre l’écorce d’un cèdre, une théorie d’oiseaux, un ruisseau viennent suspendre le rêve. Mais qui reprisera l’accroc que laisse dans le sable le tombé des vagues ?



Faire danser la sombre sphère, l'épuiser, l'emprisonner, partout la lumière de l'automne colore ses pas. Plus rien ne lui coûte. Faire l'inventaire de ces saisons : une fois encore, l'après-midi, l'image, une fois achevée, lui restera cette virevolte, l'eau libre du cimetière des plaisirs, la sphère sombre arrêtée, interdite, au jardin botanique, sous un cèdre, un hibiscus, cathédrale de chair, de sève, d'impossible tendresse. Déblacker à l'extrême droite du parc le cuir luisant du Tiergarten. Un quatuor de braises vibre encore à l'orée de toi. Tu ne sais rien de la sueur des volcans. Tu n’as pas besoin de danser sur le feu pour convoquer un monde. C’est dommage, se dit le cerf, c’est avec toi que j’aimais encore le mieux dérouler l’image. Jérémy Victor Robert

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